Quand Essaouira ne s’appelait pas encore Mogador…
L’expansion de la ville d’Essaouira a longtemps suivi celle de ses activités commerciales et portuaires…
Il y a déjà 2500 ans…
Les premiers, les Phéniciens vers le Ve siècle avant J.-C., sous la conduite de Hannon le Carthaginois, avaient déjà appréhendé que cette rade aux alentours riches en eau potable, abritée des alizés par de petits îlots proches d’une côte bordée de dunes, ferait un mouillage idéal sur la route maritime du Cap-Vert et de l’Équateur.
Des fouilles archéologiques entreprises sur l’îlot de Mogador montrent qu’une surface d’environ 1 ha avait été aménagée afin d’y créer un petit établissement commercial qui devait servir ponctuellement tout en étant praticable et abordable en tout temps.
Ensuite, irrégulièrement fréquenté par les Berbères autochtones, les Romains l’investissent durant la troisième guerre punique en 146 av J.-C. Ils y placent Juba II, roi de ce que l’on nommait à l’époque le royaume berbère de Maurétanie, sur le trône de sa destinée.
En plus des salaisons, Juba II développe l’exploitation du murex, ce mollusque gastéropode duquel on tire la teinture pourpre qu’affectionnaient particulièrement les romains pour qui cela était un symbole de rang social élevé. Le pourpre tiré de ce mollusque donnera aux îlots le nom d’îles Purpuraires.
Annexé par l’Empire romain au 1er siècle apr. J.-C.
Durant la deuxième moitié du 1er siècle apr. J.-C., le royaume berbère est purement annexé par l’Empire romain qui en fait une province appelée Maurétanie Tingitane.
Les Romains continuèrent certainement cette activité d’exploitation du murex dans ce lieu qu’ils nommèrent ‘Tamusiga’, qui deviendra ensuite Mogdura pour les Portugais, Mogador pour les Castillans, alors que pour les Berbères elles se nommaient Amogdul, terme certainement dérivé d’un saint marabout Sidi Mogdul.
Un développement commercial dès le XIVe
C’est à partir du XIVe Siècle que le site apparaît sur les cartes maritimes. Dès la première décennie de ce siècle, Dom Manuel, 1er Roi du Portugal, en mesure les avantages et y crée un port commercial protégé par une garnison militaire bâtissant une forteresse défendue d’une ceinture de plusieurs remparts.
Devenant ainsi la première façade portuaire africaine sur la côte sud atlantique marocaine. Le commerce avec les caravanes venant de Tombouctou s’y développe tandis que l’activité maritime devient une valeur sûre.
En 1764, le Sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah alors occupé à lutter contre les rébellions Abid Al Boukhari et la guich, armée mercenaire des Oudayas, reprend Mazagan (El Jadida) aux Portugais et engage un architecte français Théodore Cornut pour fonder la ville qui deviendra Essaouira tandis que dans le même temps il prend Marrakech comme capitale.
La ville sera conçue à l’image des forteresses européennes, son port définitivement créé servira de base navale.
Essaouira aborde le XVIIIe siècle avec sérénité, devenant une ville portuaire en plein essor, de nombreux artisans juifs s’y installent, laissant leur empreinte avec le vieux mellah qu’ils ont construit ainsi qu’avec un riche artisanat de la joaillerie.
C’est l’époque des maisons consulaires permettant à la communauté juive d’assurer un rôle important d’intermédiaire, surtout dans le commerce, obtenant le monopole de la vente du blé aux Européens, ce qui était interdit aux musulmans.
Une population cosmopolite
De nombreux descendants d’esclaves africains s’installent dans la région. Plusieurs centaines d’Européens, français, Espagnols, hollandais notamment s’y installent durablement profitant de l’ouverture du port à la libre concurrence européenne décidée par le Sultan.
La ville devient petit à petit cosmopolite et multiculturelle faisant le charme de la cité des Alizés. Parallèlement, en avance sur son temps Moulay Mohammed proscrit l’exportation des populations noires vers l’Europe avec, dans le même temps, il signe de nouveaux contrats commerciaux.
Favorisant Essaouira au détriment d’Agadir à qui il interdit des activités commerciales vers l’extérieur, interdiction élargie aussi à Larache et Fédala (Mohamedia), le port voit sa fréquentation navale augmenter passant à un accueil de 60 bâtiments dans sa rade à la fin du XVIIIe.
Au début du XIXe siècle, sous l’égide Moulay Slimane, les activités portuaires se pérennisent concentrant à elles seules 40% de commerce maritime marocain, mais en 1844 la marine française bombarde la ville et son port faisant fuir une partie de la population signant ainsi le début du déclin commercial d’Essaouira.
Essaouira à l’époque du protectorat
Durant le protectorat les Français aménagent les ports de Casablanca et d’Agadir, la position géographique très centrale d’El Jadida (ex Mazagan) sur la côte océane la favorise au détriment d’Essaouira qui progressivement entame une conversion de port de pêche. Il occupe maintenant la 3e place au hit-parade des ports sardiniers marocains.
Deux chantiers navals y ont vu le jour, entretenant l’ancienne flotte et continuant la construction des bateaux de pêche qui étaient traditionnellement faits de bois d’eucalyptus ou de teck.
Et aujourd’hui
Au XXe siècle, Essaouira a su rebondir, son multiculturalisme séculaire lui a permis d’accueillir des artisans de tout le Maroc, mais aussi de nombreux artistes internationaux. De nombreuses galeries d’art ont ouvert leurs portes et le nombre annuel de manifestations culturelles est certainement un des plus importants du royaume chérifien.